Texte d’Yvonne Ziegler

Les photographies d’Elisa Larvego : le vide pour susciter le récit

Au moyen de son appareil argentique la jeune artiste suisse Elisa Larvego photographie personnages, objets ou lieux pour révéler le quotidien ou le récit. Sa première série « Mise à part » montre des personnages dans des poses étrange - ainsi une fille qui tient une main en plastique. En 2007 la série « Funny Holes » donne à voir des hommes et des objets dans un stand de tir. Les tireurs sont absents, seuls sont figurés l’avant et l’après. Les photographies sont le creuset d’un récit que le spectacteur est appelé à découvrir. Les armes et les douilles vides suggèrent un lieu qui conjugue loisirs, virilité, violence et détente.

Née en 1984 à Genève, Elisa Larvego a grandi dans le sud de la France. A 15 ans elle commence à faire des photos avec des appareils jetables lors d’ un voyage aux Etats-Unis avec ses grands parents. Il en résultera un journal de voyage. Après avoir obtenu son bac en 2002 Elisa Larego étudie la photographie à l’Ecole d’Arts appliqués à Vevey, puis les arts appliqués à la « Haute Ecole d’Art et Design » à Genève. Elle termine ses études l’an dernier et se voit décerner le prix d’art de la Nationale Suisse, ce qui lui vaut une exposition à la Liste 15.

Le voyage occupe une place centrale dans l’œuvre de la photographe. En 2007, artiste en résidence au « Centro de la imagen » à Mexico pour six mois, elle réalise « Sur le terrain ». Dans un camp militaire, locaux et terrains d’entraînement paraissent pratiquement déserts. Suggérées en creux afin d’éveiller l’imagination du spectacteur, la violence et la présence militaire à Mexico n’en sont que plus tangibles. C’est au Mexique également qu’Elisa Larvego réalise la série « Sculptures mobiles », présentée avec « Sur le terrain » à la Liste 15. On y voit entassées sur des chariots les affaires des marchands ambulants qui animent les rues de Mexico. Photographiés de face debout devant un mur blanc ces derniers apparaissent hors contexte. Sculptures étranges, les chariots symbolisent une réalité sociale non figurée. Après le Mexique, c’est la Sibérie qui attire la jeune artiste. En 2008 elle prend le transibérien avec sa grand-mère âgée de 82 ans pour se rendre à Irkutsk sur les traces de la grand-mère de sa grand-mère. Le premier film vidéo de l’artiste (2009) intitulé « Aranka » traduit les impressions de ce voyage dans le passé. Le récit s’articule autour ce cette grand-mère timide, sur fond de paysages et de regards sur une culture étrangère. Progressivement la parole se substitue à l’image, les mots décrivent ce que l’image ne montre pas.

Dans sa dernière série « Dialogue silencieux » Elisa Larvego photographie des couples mères filles qui cohabitent en l’absence du père. Les photographies sont impressionnantes, le caractère à la fois insolite et intime de ces relations conjugées au féminin palpable. A l’instar d’« Aranka », « Dialogue silencieux » contient des éléments autobiographiques. Les parents se séparent alors même qu’Elisa voyage aux Etats-Unis et découvre sa passion pour la photographie. Le projet à venir la conduira dans une ancienne communauté hippie du Colorado.

Elisa Larvego cherche à susciter le récit. Elle y parvient par différents moyens tels l’allusion à l’absent, l’adjonction d’éléments intriguants, tels une troisième main, le tranfert des objets dans un contexte insolite, et enfin, le récit sous forme de film vidéo.

Yvonne Ziegler (traduction Elisabeth Vuagniaux), paru en juin 2010 dans le Regioartline :

http://www.artline.org/?p=detail&id=10591&back=home&L=0